Lapicque et le tennis (Lapicque and tennis)
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Charles Lapicque était un bon joueur de tennis. Je vous laisse lire cette analyse extrèmement fine de la représentation du tennis dans les oeuvres de Charles Lapicque. Ecrite par le Dr. Lionel Fabre, grand amateur de Lapicque et lui même joueur émérite, elle vous éclairera sur la subtilité dont Charles usait quand il peignait le tennis. |
La représentation "lapicquienne" du tennis |
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Lapicque s'est pris de passion pour le tennis vers 1930 et a pratiqué ce jeu d'une manière quasi-continue jusqu'à un âge avancé. Dans les années 30, il joue l'été sur le court des Joliot-Curie à l'Arcouest. Deux de ses fils Georges et François joueront aussi d'une manière assidue. Georges est notamment l'auteur d'un opuscule présentant le tennis et le hasard. « La peinture comme le souvenir décante le réel, elle le recrée en lui incorporant tout un passé » Maryvonne Georget Lapicque se trouve donc devant les problèmes suivants : Pour parvenir à véritablement suggérer le mouvement*, Lapicque a eu recours, en plus du cloisonnement, aux perspectives multiples. Dans la série du tennis, on peut parler aussi de perspectives subjectives car les composantes affectives et imaginaires sont au moins aussi importantes que les composantes strictement visuelles. L'action est traduite non pas seulement comme elle se voit mais aussi comme elle se ressent . |
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En 1965 Lapicque entrevoit la solution du « problème tennistique » :
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Le procédé du cloisonnement permet ainsi à Lapicque de suggérer différents parcours. L'éventail des points de vue, les plongées vers le centre, créent des lignes de forces ou plutôt des parcours de tension suggérant l'aller et retour de la balle. Libre au spectateur de créer son propre scénario de la partie ainsi suggérée : Service, retour revers, attaque coup droit, retour passing, volée gagnante ! (voir les coups du tennis) Par les diverses positions des joueurs, des balles, des raquettes, Lapicque nous invite à recréer des phases de jeu. Un autre procédé concourt à rendre le mouvement : « faire jouer à la couleur un rôle d'accompagnement, de contrepoint par rapport au dessin, un peu comme dans la musique ou la basse vient parfois apporter à telle partie de la mélodie une sorte de souvenir du thème précédent. A la manière aussi rappelons-le, dont notre regard, tout en suivant dans la vie, les différentes positions d'un corps en mouvement, conserve par la mémoire immédiate dans une suite de traînée, de phosphorescence, l' image psychique des positions antérieures» Essais p.195. |
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La série sur le tennis comprend principalement 12 toiles plus particulièrement axées sur des parties à Roland Garros. Dans notre ballade visuelle nous reconnaissons les juges de ligne et leur canotier sommeillant plus ou moins après le repas de midi, des gradins vides, des spectateurs par grappes, scènes de quiétude qui contrastent avec les phases d'énergie et d'explosivité des grandes contre formes. A l'inverse d'autres thèmes ou Lapicque procédait par de subtiles transitions pour passer d'un monde à l'autre, pour les relier par la pensée (par ex : La mort de Pompée), dans la série du tennis, Lapicque procède par rupture. Ceci permet de mieux suggérer la différence de tension.
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Aussi cette série sur le tennis est une des séries majeures de Lapicque qui lui a permis d'exposer sa vision picturale de la notion de « durée Bergsonniène » tout en obéissant au principe du cloisonnement et de la fragmentation de l'espace: joueurs, court, feuillages et ciels sont des compartiments d'espaces Il ne se forme pas un espace continu mais un espace hétérogène, syncopé, morcelé de ruptures. Le passé, l'imaginaire et le présent s'entremêlent mais avec l'expression de la cassure que provoque dans le tissu du temps l'explosion d'un service ou d'un smash. Joueuses et joueurs, laissez votre imaginaire vagabonder et bonnes parties ! |
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* « La peinture ne cherche pas le dehors du mouvement mais ses chiffres secrets. » Merleau-Ponty |
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voir aussi : Lapicque et son atelier Lapicque et la mer Lapicque et la musique |
Dr. Lionel Fabre, membre du comité éditorial © Tous droits réservés 2008 |
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NOTA : Le Docteur Lionel Fabre, Chirurgien-dentiste, grand connaisseur de l'oeuvre du peintre, est lui-même joueur de haut niveau au niveau vétéran. S'intéressant depuis longtemps à la vision "lapicquienne" du tennis, il a notamment mis sur le site de la FFT, quelques pages sur l'ouvrage de Georges Lapicque sur le hasard dans le tennis. |
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