Charles Lapicque - sa place dans l'histoire de l'art

Contribution de M. Henri Trumer, lui aussi amateur passionné de Charles Lapicque.

 

La place de Charles LAPICQUE dans l'histoire de l'art 

L'œuvre de Charles Lapicque reste énigmatique, voire méconnue du large public, malgré l'influence déterminante qu'elle a fait peser à partir de 1939 sur la peinture moderne.

A partir de 1939, en renversant l'usage de la disposition des couleurs dans l'espace, LAPICQUE met au point une palette chromatique tout à fait inédite depuis les théories chromatiques édictées par LEONARD DE VINCI.

A l'occasion de l'exposition des « 20 jeunes peintres de tradition française » en 1941 à la Galerie BRAUN , les oeuvres de LAPICQUE ( Sainte Catherine de Fierbois, l'attaque aérienne de 1939-1940 ....) font figure de manifeste pour toute une nouvelle génération d'artistes. Ainsi, sa grille bleue et rouge a ouvert la voie à des artistes aussi divers que BAZAINE, MANNESSIER, LE MOAL, SINGIER, GERMAIN, GAUTIER, ELVIRE JEAN, VIEIRA DA SILVA, DE STAEL.

Cette grille a été notamment à l'origine du paysagisme abstrait de l'après guerre et de la peinture non figurative.

Ensuite, LAPICQUE n'a cessé d'innover. A partir de 1949 ( la bataille de Waterloo), il est le premier à introduire des espaces à perspectives multiples et à temps composés (à ne pas confondre avec les recherches antérieures de BRAQUE et PICASSO sur les perspectives à points de vue multiples des cubistes qui avaient introduit la représentation d'un même objet sous ses différentes facettes).

Par la dissonance de la couleur, l'ambiguïté entre le fond et la forme et les espaces multiples, LAPICQUE introduit une nouvelle peinture narrative. Il anticipe ainsi de façon éclatante sur la nouvelle figuration (figuration narrative, figuration libre, bad painting, peinture cultivée, nouveau fauve)

1) A propos de la figuration narrative :

La surcharge et la densité de son espace, la dissonance de la couleur par la recherche d'une palette inédite ne font qu'anticiper de façon éclatante la figuration narrative ( Histoire Romaine 1957 ).

La présence de bulles à la manière des bandes dessinées dans la bataille de Waterloo (1949), aux Tribunes (1951), la mort de Pompée (1957),  Rendez à César (1957) préfigurent également à leur façon la figuration narrative.

Des Artistes comme Jacquet (dans sa période des camouflages de 1962), de Rancillac (dans son travail du début des années 60), de cheval Bertrand, de Guyomard, de Péter SAUL, établissent sans équivoque un lien de paternité entre leur œuvres et celles de Charles LAPICQUE.

Bernard RANCILLAC présente d'ailleurs LAPICQUE dans son ouvrage « voir et comprendre la peinture » comme « un des grands de l'art moderne ».

2) A propos de la figuration libre, de la peinture cultivée et de la bad painting

La liberté du trait, la saturation de la figuration, la recherche de thèmes classiques voir traditionnels (esprit proche du maniérisme), le caractère kitch de ses compostions, la dissonance des couleurs font de LAPICQUE le père spirituel de cette nouvelle génération de peintres.

Les oeuvres d'Alberola, GAROUSTE, COMBAS, DI ROSA, CHIA, CUCCHI, CLEMENTE doivent donc beaucoup aux oeuvres de LAPICQUE.

Enfin, les oeuvres de 1946 «  rencontres  » et de 1953 «  figures à ossature blanche  » ont indiscutablement ouvert la voie à l'hourloupe de Jean DUBUFFET. Daniel ABADIE (ex-conservateur du musée du jeu de Paume), Pierre GOERGEL (ex-conservateur du Musée PICASSO à PARIS), Patrice TRIGANO et François PLUCHART l'ont tour à tour affirmé.

Les dessins de LAPICQUE de 1944-1945 et toiles de 1946 ont de façon évidente inspiré les figures Africaines du peintre Jean Michel ATLAN.

Lapicque mériterait indiscutablement que lui soient consacrés plusieurs chapitres de l'histoire de l'art de la seconde moitié du 20ème siècle, tant son importance a été déterminante.

Lapicque est un géant de la peinture et c'est à ce titre qu'on devra un jour lui rendre hommage.

 


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